Pourquoi l’Ukraine pourrait-elle gagner la guerre ?

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Beitragsfoto: Ukrainische Flagge auf Mauer mit Soldaten | © Pixabay
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Les Ukrainiens, même les russophones, ne veulent très majoritairement pas de rattachement à la Russie. En décembre 1991, ils ont voté en masse en faveur de l’indépendance. Depuis 2014, la jeunesse ukrainienne sacrifie sa vie ou sa santé pour que l’Ukraine soit restaurée dans son intégrité territoriale, celle reconnue en 1991, parce que son attachement à sa patrie et à ses valeurs est profond. C’est pourquoi Poutine a dû postposer l’exécution du plan qu’il a décrit dans une vidéoconférence le 17 avril 2014 : la transformation en Nouvelle Russie[1] de la partie industrielle de l’Ukraine, soit les oblasts de Kharkov, Louhansk, Donetsk, Kherson, Mykolaev et Odessa,[2] le reste de l’Ukraine constituant un État-tampon entre la zone d’influence russe et l’OTAN, sans accès à la mer Noire, avec Lviv comme capitale. Il a seulement pu s’emparer de la Crimée et de la moitié du Donbass.

En 2021, les capacités militaires classiques de la Russie ont permis à Poutine de procéder à une démonstration de force : 1,1 million de soldats d’active, 13.000 chars, 27.000 véhicules blindés de combat, 15.000 obusiers ou lance-missiles, 1.500 avions de combat, 2.000 hélicoptères, 4.000 drones et 440 avions de transport.[3] Au lieu d’en percevoir les bénéfices politiques et économiques il a opté pour la confrontation, alors que la Fédération de Russie n’a que 147 millions d’habitants et un produit intérieur brut de 1.710 milliards $, semblable à celui de l’Italie, qui ne compte que 60 millions d’habitants.

En 2022, Poutine s’est avéré être un piètre stratège. Il n’avait pas les moyens de sa politique d’agression, faute notamment d’une base industrielle produisant assez de blindés, d’obus, de drones, … Il a très mal mesuré la volonté d’indépendance et les capacités militaires des Ukrainiens, qui savent qu’ils ont le choix entre se battre pour leur liberté et l’esclavage. Il a mal jaugé la détermination des Occidentaux, en particulier des Britanniques et des Américains, à les soutenir, à cause du piteux retrait occidental d’Afghanistan en août 2021. Il a mal anticipé la réaction de M. Erdoğan, qui notamment a fermé les détroits aux navires de guerre russes et qui a fourni des drones de combat à l’Ukraine.

Avant de lancer l’action terrestre, Poutine ne s’est pas assuré la maîtrise de l’air. Alors que l’aviation russe a beaucoup plus d’avions que l’Ukraine, elle reste incapable de supprimer les défenses aériennes adverses, de mener des frappes au-dessus de la majeure partie de l’Ukraine et de fournir un appui air-sol valable. En revanche, l’aviation de combat et les défenses antiaériennes ukrainiennes ne cessent de se renforcer, grâce aux systèmes occidentaux.[4]

Poutine n’a pas organisé un soutien logistique adéquat : les ravitaillements, les dépannages et la maintenance des systèmes d’armes sont défaillants. Il n’a pas mis en place les nécessaires moyens de planification, de commandement, de contrôle et de communication efficaces et sécurisés. Faute de radios valables, les communications des forces russes passaient par des téléphones portables connectés au réseau téléphonique ukrainien, ce qui a permis d’écouter les conversations, d’identifier et de géolocaliser les émetteurs, en particulier les généraux et les colonels, qui sont devenus des cibles faciles.

Par peur des fuites, Poutine n’a donné qu’au dernier moment ses ordres à ses états-majors opérationnels, mais les Américains connaissaient ses objectifs depuis 2014, les grandes lignes des plans russes depuis la mi-2021 et leur détail depuis début décembre. Le 12 janvier 2022, les Américains ont divulgué à M. Zelensky le plan des parachutistes russes pour la prise de l’aéroport d’Hostomel, près de Kiev, siège de l’usine Antonov, ce qui a permis de faire échouer cette attaque le 24 février, mais pas de sauver de la destruction partielle les ateliers et les avions en cours de maintenance. Les appareils opérationnels, ces gros-porteurs essentiels pour la mobilité des forces armées européennes, ont pu in extremis décoller vers Leipzig.

Poutine n’a pas tenu compte de la météo : il a attaqué dix jours avant le dégel, la Raspoutitsa, qui empêche les véhicules lourds de quitter le réseau asphalté. C’est inexplicable de la part d’un Russe. Au lieu de concentrer ses efforts, il a dispersé 160.000 soldats sur 21 axes, répartis sur quatre fronts totalisant 1.000 km, face aux 700.000 Ukrainiens mobilisés. Il n’a pas économisé ses moyens : il s’est obstiné à s’emparer de Kiev, de Kharkiv et du Donbass au plus vite et quel qu’en soit le coût. Il n’a pas constitué de réserve opérationnelle. En revanche, en Transnistrie, il a mis la 14e Armée russe en alerte, pour menacer les arrières ukrainiens, ce que font aussi les forces biélorusses. Pour briser les forces morales des Ukrainiens, il a fait appliquer la doctrine militaire russe, qui prévoit l’usage sans frein de la force, ce qui incite à la commission de très nombreux crimes de guerre. Jusqu’à présent, ces atrocités renforcent l’esprit de résistance des Ukrainiens et stimulent le soutien des Occidentaux.

Le 24 février, Poutine a espéré s’emparer en quatre ou cinq jours de Kiev, forcer M. Zelensky à quitter le pouvoir et conquérir la Nouvelle Russie. Il a soumis l’Ukraine à des bombardements meurtriers et dévastateurs, mais limités : le premier jour de la guerre, la Russie a tiré 160 missiles sur 60 objectifs. En Irak, en 2003, les Américains en avaient tiré 850 en un jour, 2.500 en sept jours. Le premier mois, les Russes ont utilisé un millier de missiles balistiques ou de croisière, soit les deux-tiers de leur stock.

Face à l’invasion, le 24 février 2022, le président Zelensky[5] s’est transformé en homme d’État. En refusant de quitter Kiev, en communiquant avec pertinence, en usant judicieusement et offensivement de tous les vecteurs, canaux et réseaux disponibles, il a su rendre la résistance ukrainienne admirablement pugnace. Le monde entier a compris que les Ukrainiens veulent mettre dehors les troupes russes et se prémunir contre un possible retour de celles-ci,[6] car ils souhaitent encore toujours vivre dans un État indépendant, libre et européen.

Malgré le manque de savoir-faire tactique patent dans beaucoup d’unités russes, Poutine a conquis, du 24 février au 11 mars, 8 % du pays, en plus de la Crimée et de la partie du Donbass occupées depuis 2014. Au Sud, les Russes massés en Crimée grâce au pont de Kerch ont pu percer début mars vers Marioupol. Cette ville, attaquée également depuis Taganrog, n’a été prise que le 17 mai. Vers Odessa, ce fut d’abord plus aisé : Kherson a été prise sans combat, ses défenseurs n’ont même pas fait sauter les ponts sur le Dniepr. Les Russes ont pu déployer 20 à 30.000 soldats sur la rive droite du fleuve, mais leur avancée vers Odessa, Kryvyï Rih et Mykolaev a tout de même pu être arrêtée.

Une fois connue l’ampleur des crimes de guerre commis par les Russes, une quarantaine, puis une cinquantaine de pays ont fourni à l’Ukraine des équipements militaires, létaux ou non, mais qui n’ont été livrés qu’au compte-goutte et après bien des hésitations, ce qui est désastreux d’un point de vue militaire. Faute de défense aérienne à longue portée, l’Ukraine n’a pas pu se défendre contre les missiles balistiques ou de croisière, les bombardiers à long rayon d’action et les navires lance-missiles russes.

Pour écourter la guerre, l’Occident aurait dû décider dès avril-juin 2022 la livraison massive de véhicules de combat et d’avions de combat occidentaux, ainsi que des munitions associées, de missiles antiaériens, antimissiles et antinavires à longue portée, car la maîtrise de l’utilisation, ainsi que la mise en place de leur logistique, prennent du temps.

Ce n’est qu’à partir du 21 avril 2022 que les Ukrainiens ont reçu les premiers obusiers américains tractés de 155 mm, dont la portée et la précision sont supérieures à celle des obusiers russes de 152 mm, grâce en particulier aux obus M982 Excalibur de Raytheon et BAE Systems AB, guidés par GPS et plate-forme inertielle : ils frappent avec précision jusqu’à 40 km. Les Européens, les Américains et les Britanniques ont ensuite fourni d’autres obusiers, des chars anti-aériens équipés de canons de 35 mm et des lance-missiles multiples, ainsi que les munitions qui permettent à ceux-ci des tirs précis jusqu’à 80 km,[7] mais pas celles qui portent à 300 km, pour que les Ukrainiens ne puissent pas frapper trop loin en Russie et provoquer une escalade.

L’offensive russe d’été, menée au prix de très lourdes pertes, a obligé les unités ukrainiennes à évacuer Severodonetsk le 24 juin et Lysychansk le 3 juillet. Néanmoins, en août 2022, l’Ukraine était devenue capable de vaincre sur terre : ses pertes avaient été bien moindres que celles des Russes, elle avait pu les combler et constituer de nouvelles brigades. C’est pourquoi Poutine a décrété en octobre une mobilisation partielle, car le recrutement de volontaires au printemps n’avait attiré que 40 % des 134.000 soldats souhaités, ce qui était insuffisant pour combler ses pertes.

Le 6 septembre 2022, l’Ukraine a attaqué vers l’est à 50 km au sud de Kharkiv un front dégarni par les Russes pour protéger Kherson. Elle a percé les défenses russes, puis elle a mené l’exploitation jusqu’à disloquer le dispositif adverse. Tentant de sauver la face, Poutine a annexé les républiques séparatistes du Donbass et d’autres territoires conquis, pour certains très temporairement.[8] Le 11 novembre, l’est de l’oblast de Kharkiv, soit plus de 12.000 km2, étaitlibéré, mais faute d’une quantité suffisante de matériels et de munitions, les Ukrainiens n’ont pas su progresser au-delà de Svatove et de Kreminna.

Au sud, par des frappes sur les ponts qui enjambent le Dniepr, l’Ukraine a isolé les Russes installés sur la rive droite du fleuve, puis elle a détruit leurs postes de commandement et leurs stocks, notamment de carburant et de munitions. Ensuite, elle les a repoussés, prudemment pour limiter ses pertes.[9] Le 11 novembre, les Russes s’étant retirés la veille de leurs positions désormais intenables, la ville de Kherson était libre. Les Russes ont détruit les ponts routiers et ferroviaires subsistant sur le Dniepr, rendant malaisée la progression vers la Crimée.

A partir de novembre 2022, Poutine a pu reconstituer ses forces et reprendre les offensives d’hiver vers Kreminna, Bakhmut, Avdiivka et Vuhledar mais l’arrivée de systèmes occidentaux de défense antiaérienne et antimissiles à longue portée a progressivement limité l’efficacité des frappes aériennes russes. Le 9 mars 2023, par exemple, 80 missiles et drones russes ont partiellement saturé la défense anti-missiles, mais 38 missiles et drones ont pu être abattus. Dans la nuit du 25 mai 2023, l’Ukraine a été attaquée avec 36 drones iraniens Shahed. Ils ont tous été détruits. Le 29 mai, l’armée ukrainienne a abattu tous les onze missiles russes Iskander.

Au début de la Raspoutitsa du printemps 2023, l’échec de l’offensive russe d’hiver était patent. Elle s’est limitée à un secteur d’environ 250 km dans l’oblast de Donetsk, alors que le front est long de plus de 1.000 km, et à des attaques de faible ampleur, mais sans cesse répétées malgré des pertes très élevées, alors que, pour compléter sa conquête des oblasts de Donetsk et de Louhansk, Poutine aurait dû s’emparer de 11.300 km2 supplémentaires. Il a échoué, à cause d’une stratégie déficiente et d’une tactique obsolète depuis 1918, faute aussi de capacités humaines et matérielles suffisantes. Les matériels russes de pointe, censés faire face aux systèmes d’armes occidentaux, comme le char T-14 Armata et l’avion de combat de 5ème génération Sukhoi-57, sont invisibles en Ukraine. En revanche, près de 800 chars T-62, produits à partir de 1962, ont été remis en service et modernisés, de même que des transports de troupes blindés BTR-50, qui datent des années 1950, bien qu’ils soient très vulnérables aux armes antichars occidentales.

Chacun se demande comment ce conflit pourrait évoluer, tout en sachant que l’issue de toute guerre est incertaine. Chaque camp mène des actions de déception par le biais de communications médiatiques ainsi que d’animation de réseaux sociaux et d’influenceurs, mais les services de renseignement et les blogs spécialisés[10] s’efforcent de réduire cette incertitude.

La Russie a pour elle sa taille, sa population plus nombreuse, des ressources supérieures, mais si ses systèmes d’armes sont nombreux, ils sont de faible niveau technologique, sauf les missiles, les drones et les moyens de guerre électronique qui permettent, par des frappes dans la profondeur, de désorganiser le commandement et de détruire les stocks et les axes d’acheminement logistiques en Ukraine. L’armement des Russes est standardisé, ce qui rend les équipages interopérables et simplifie les chaînes logistiques, en particulier l’approvisionnement en munitions, mais celui-ci est devenu insuffisant malgré les livraisons iraniennes et nord-coréennes. La conscription renforce l’armée russe, mais Poutine a fragilisé la Russie depuis 2007 en affrontant l’Occident, qui riposte par des sanctions économiques et l’isolement diplomatique, mais aussi, pour éviter qu’une armée russe victorieuse n’agresse un autre pays européen, en fournissant une aide matérielle à l’Ukraine, afin d’aboutir au retrait, à l’attrition ou à l’anéantissement du corps expéditionnaire russe.

Au printemps 2023, 230 chars et 1.550 véhicules blindés donnés à l’Ukraine ont permis de constituer de nouvelles brigades[11] qui ont reçu des munitions et une formation de base, insuffisante toutefois pour mener des attaques massives.[12] La densité des champs de mines russes ne permet guère que de progresser à pied. L’artillerie de 155 mm, les lance-roquettes multiples et les missiles à moyenne portée, comme le Storm Shadow / Scalp de MBDA[13] frappent la chaîne de commandement et les lignes de ravitaillement russes. Certains des ponts reliant la Crimée au continent ont été endommagés.

L’Ukraine dispose de forces armées, de la garde nationale et de la garde territoriale, dont les missions évoluent au fil du temps, en fonction de leur formation et de leur aguerrissement. Elles sont régénérées au fur et à mesure des besoins. Leurs forces morales sont supérieures à celles des Russes, mais leurs chaînes logistiques sont très complexes car les équipements soviétiques ont été complétés par des équipements occidentaux disparates, mais de haute technologie. Elles ont toutefois manqué de temps pour maîtriser pleinement leur emploi. La quantité de munitions reçues est insuffisante : la base industrielle et technologique occidentale ne s’est pas adaptée assez vite au temps de guerre. Les forces terrestres ukrainiennes n’ont guère de soutien aérien, et l’Ukraine ne disposera pas d’avions F-16 opérationnels avant 2024, ce qui l’empêche de pratiquer le combat aéroterrestre de l’OTAN, alors que les contre-offensives ukrainiennes ont été préparées à Wiesbaden en mars, en simulant différents scénarios sur les ordinateurs du quartier général des forces américaines pour l’Europe et l’Afrique.[14] La contre-offensive ukrainienne lancée le 4 juin 2023 n’a donc pas bénéficié d’un effet de surprise. Les Russes ont eu le temps de perfectionner leurs très fortes lignes de défense, faites de tranchées, de champs de mines, de fossés antichars, de dents de dragon. Elles sont tenues par une infanterie nombreuse et bien appuyée par une artillerie redoutable.

Les petites avancées ukrainiennes en direction du sud observées à l’été 2023 pourraient, si elles étaient consolidées, permettre aux Ukrainiens de tenir sous le feu de leur artillerie le territoire entre Tokmak, Melitopol et Berdiansk, mais les Russes ne font pas que résister, ils mènent des contre-attaques, car l’appui-feu dont disposent les Ukrainiens est insuffisant. Cela a considérablement augmenté les pertes humaines de l’Ukraine.[15]

En revanche, une fois le sud de l’oblast de Zaporijjia libéré, reprendre la Crimée ne devrait pas nécessiter plus de combats que la libération de la rive droite du Dniepr : les routes y menant ne comportent que quelques ponts, dont ceux de Kerch et de Tchongar, qui ont déjà été frappés par des missiles ukrainiens. Une fois que leurs lignes de ravitaillement auront été coupées, les Russes fuiront. Malgré la propagande, ils perçoivent la défaite de leur armée.[16] Selon l’institut de sondage Levada, entre mai 2022 et juillet 2023, le soutien à « l’opération militaire spéciale » a chuté de 73 % à 53 %.

La guerre pourrait se prolonger en 2024, voire en 2025, si aucun des deux belligérants ne réussit à percer les lignes adverses, ni ne s’effondre.

Les armées qui se sont opposées depuis le 24 février 2022 ont été renouvelées en quasi-totalité en raison des pertes subies, mais qu’il est difficile d’évaluer.[17] Elles ont réussi à maintenir leur savoir-faire, et à l’améliorer. Les tactiques russes et ukrainiennes ont évolué, ainsi que les systèmes d’armes, dont certains deviennent rapidement obsolètes. Par exemple, le drone turc Bayraktar TB2, efficace il y a un an, ne l’est plus, parce que les Russes ont trouvé une parade.

L’Ukraine reste une démocratie imparfaite, mais elle est agile et intelligente et sa motivation est élevée. Elle devrait donc l’emporter, mais chaque jour qui passe ajoute aux souffrances indicibles des Ukrainiens. Sa résistance acharnée, héroïque, sa résilience, sa volonté de se défendre et de vaincre est admirable. Elle a brillé par ses innovations. Le missile antinavire Neptune, conçu par le bureau d’études Luch à Kiev, qui avait coulé le croiseur Moskva en avril 2022, a vu son autodirecteur modifié pour pouvoir attaquer des cibles terrestre. Le 23 août, il a détruit un système de défense antiaérienne et antimissile S-400 déployé en Crimée depuis 2016 pour contrôler l’espace aérien sur l’ouest de la mer Noire. Le S-400 était protégé par un système de défense aérienne à courte portée Pantsir-S1/2, mais aucun des radars n’a détecté le Neptune.[18]

Cela n’a malheureusement pas pu empêcher que des millions de civils Ukrainiens, dont beaucoup de femmes et d’enfants, ont eu à connaître la violence extrême, les atrocités, la terreur, la torture, le deuil, l’exil, voire la déportation. Beaucoup ont été témoins de ces atrocités. La société ukrainienne aura besoin de temps et d’une aide généreuse pour se remettre de cela. Médecins sans frontières a traité plus de 8.000 cas de désordres mentaux liés à la guerre et affirme que selon le ministère de la Santé d’Ukraine, 8 millions de personnes sont affectées et que 15 millions auraient besoin d’une aide psychologique.[19]

Les images atroces de cette guerre quasi totale – heureusement sans usage jusqu’à présent de l’arsenal bactériologique, radiologique et nucléaire russe, mais il y a eu un usage limité d’armes chimiques – ont ému les opinions publiques, mais insuffisamment pour que nos dirigeants prennent à temps les actions adéquates. Chaque jour qui passe montre aux Européens leur impuissance et leur couardise. Celle-ci s’est notamment révélée par la crainte infondée d’une guerre nucléaire entre la Russie et l’OTAN. Aux États-Unis d’Amérique, la démocratie dysfonctionne, dans les deux partis, démocrate comme républicain. Le temps des positions bipartisanes solides dans les domaines des relations extérieures et de la défense, qui avaient permis de gagner la Guerre froide, semble révolu. Le point le plus faible de l’Ukraine, c’est la cohésion de l’alliance occidentale : si elle se fragilise, elle aura moins de chances d’atteindre ses objectifs. La balle est donc en bonne partie dans le camp occidental.


[1] Grigori Potemkine avait donné ce nom aux territoires conquis par lui sur les Cosaques et les Turcs de 1768 à 1774 et qui furent peuplés de Russes à partir du XVIIIe siècle.

[2] Voir Piotr Żochowski, Rafał Sadowski, Marek Menkiszak, « The Russian military intervention in eastern Ukraine » in OSW, Centre for Eastern Studies, https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2014-09-03/russian-military-intervention-eastern-ukraine, 3/9/2014. D’autres documents citaient aussi les oblasts de Kiev, Dniepropetrovsk et Zaporijjia, ainsi que la Crimée et la Transnistrie.

[3] Leur opérationnalité était douteuse, car ce matériel, datant de l’époque soviétique, manquait d’entretien, car le budget russe de défense n’était que de 60 milliards $ par an, soit un tiers des dépenses de défense de l’Europe ou de la Chine.

[4] Center for Naval Analyses, « Russian Combat Air Strengths and Limitations: Lessons from Ukraine” in Defense-aerospace.com, https://www.defense-aerospace.com/lessons-from-ukraine-about-russian-combat-air-strengths-and-limitations/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=les-newslettertotal-derniers-articles-de-notre-blog-11, 25/4/2023.

[5] Rappelons qu’il a été élu démocratiquement, dans le cadre d’un processus on ne peut plus honnête et transparent, au terme duquel les séparatistes pro-russes ont recueilli… moins de 10 % des voix.

[6] Voir Piotr Smolar, ” Dans la guerre en Ukraine, « l’échec stratégique de la Russie est déjà là »” in Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/29/guerre-en-ukraine-l-echec-strategique-de-la-russie-est-deja-la_6124121_3210.html, 29/4/2022 et Guy Buchsenschmidt, « Pourquoi Poutine a déjà perdu ! » in DiverCite.be, https://divercite.be/pourquoi-poutine-a-deja-perdu-par-le-lieutenant-general-e-r-guy-buchsenschmidt/?fbclid=IwAR1TC86Uq1uEzuommtFXa2fp6cWgf3vcBegJkmFSFK3-AxYEjTiUoNPnMoA, 1/5/2022. Le Lieutenant général e.r. Buchsenschmidt a commandé l’Eurocorps, il est vice-président de la S€D.

[7] Fin septembre 2022, les Américains avaient donné à l’Ukraine pour plus de 17,5 milliards $ de matériel de défense, dont 20 hélicoptères Mi-17, 34 lance-missiles multiples HIMARS, des navires de défense côtière, 146 obusiers et 276 véhicules tracteurs, des obus de 155 et 105 mm, dont des obus Excalibur, 200 M113, 100 véhicules blindés, 200 Mine Résistant Ambush Protected vehicles, des drones Puma, 700 drones Switchblade, 700 drones Phoenix Ghost, des missiles antiradiation HARM, 2 systèmes Harpon de défense côtière, 8 systèmes antiaériens, 1.400 missiles antiaériens Stinger, 8.500 missiles antichars Javelin, 32.000 systèmes antichars, 10.000 petites armes et lance-grenades, 75.000 casques et gilets pare-balles, 50 radars de contre-batterie, 4 radars contre les mortiers, des systèmes lance-roquettes à guidage laser, des systèmes de guerre électroniques, 60 millions de cartouches pour petites armes, des mines antipersonnel Claymore, de l’explosif C-4, des systèmes de télécommunication sécurisés, des lunettes de vision nocturne, les systèmes optiques, des télémètres, des services satellitaires commerciaux, des systèmes de déminage, du matériel médical, du matériel de campagne et des pièces de rechange. Voir Lee Ferran, “From HIMARS to helos: What the US has given Ukraine” in Breaking Defense, https://breakingdefense.com/2022/10/from-himars-to-helos-what-the-us-has-given-ukraine-graphic/?utm_campaign=BD%20Daily&utm_medium=email&_hsmi=228213778&_hsenc=p2ANqtz—XDkFVnaLsa6MQuuW2CanEw1WkWS1vwLSe_mhDJV1IypT14YQtP4oJJK2-IqdPP0KnMtjb8S6XxJQIujNViamOrPmEg&utm_content=228213778&utm_source=hs_email, 3/10/2022;
Joe Gould, “Pentagon sending Excalibur guided artillery, more HIMARS to Ukraine” in Defense News, https://www.defensenews.com/pentagon/2022/10/04/pentagon-sending-excalibur-guided-artillery-more-himars-to-ukraine/?utm_source=sailthru&utm_medium=email&utm_campaign=air-dnr, 4/10/2022.

[8] Voir Reuben Johnson, Aaron Mehta, “Flimsy numbers and sparks of protest: How Putin’s mobilization may end up another miscalculation” in Breaking Defense, https://breakingdefense.com/2022/09/flimsy-numbers-and-sparks-of-protest-how-putins-mobilization-may-end-up-another-miscalculation/?_ga=2.73888466.1756889272.1663600488-942942739.1625582143&utm_campaign=BD%20Daily&utm_medium=email&_hsmi=226865090&_hsenc=p2ANqtz-9mtxghHgNWP1kFRv7QiD5KkY8Z3IeMcdxUfHj1t8HzIUpHqtQk44v-x79BHcCL9Dek8RafsBOmidq1-qsDmQbTY8HP1g&utm_content=226865090&utm_source=hs_email, 21/9/2022.

[9] Voir Michel Goya, « L’art opératif à l’épreuve de la guerre en Ukraine – 3. La fabrique des batailles » ” in La Voie de l’Épée, https://lavoiedelepee.blogspot.com, 26/9/2022.

[10] Voir notamment l’audition en Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale française du général de corps d’armée Jacques Langlade de Montgros, directeur du Renseignement militaire, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_def/l16cion_def2223094_compte-rendu, 12/7/2023 ; les Updates on Ukraine de la Defense Intelligence, sur https://twitter.com/DefenceHQ; les Russian Offensive Campaign Assessments de l’Institute for the study of war, sur ; Michel Goya, « Des chiffres et des êtres » in La Voie de l’épée, https://lavoiedelepee.blogspot.com, 31/7/2023.

[11] Norman M. Wade, The Joint Forces Operations and Doctrine (2nd ed.), Lakeland, The Lightning Press, 2009.

[12] Voir Press conference by NATO Secretary General Jens Stoltenberg and the Prime Minister of Luxembourg, Xavier Bettel, https://www.nato.int/cps/ru/natohq/opinions_214221.htm, 27/4/2023. Par exemple, la 37ème brigade d’infanterie, équipée de chars AMX-10, a été entraînée au camp de Canjuers, dans le Var. Elle a pour objectif d’atteindre Berdiansk, sur la mer d’Azov. Voir sn, « Sur le front de Donetsk avec la 37e brigade d’infanterie » in Le Figaro, 19/7/2023, p. 4.

[13] Voir Laurent Lagneau, « Le Royaume-Uni va livrer à l’Ukraine des missiles de croisière Storm Shadow / SCALP » in Zone militaire opex360.com, https://www.opex360.com/2023/05/11/le-royaume-uni-va-livrer-a-lukraine-des-missiles-de-croisiere-storm-shadow-scalp/, 11/5/2023.

[14] Voir Cédric Pietralunga, “L’Ukraine prépare sa contre-offensive avec des « wargames » organisés par le Pentagone” in Le Monde, https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/08/l-ukraine-prepare-sa-contre-offensive-avec-des-wargames-organises-par-le-pentagone_6164572_3210.html, 8/3/2023.

[15] Voir Michel Goya, “Le salut est dans l’obus” in La Voie de l’Epée, https://lavoiedelepee.blogspot.com, 7/8/2023.

[16] Voir Belga, “Zware brand op strategische brug tussen de Krim en Rusland” in De Standaard, https://www.standaard.be/cnt/dmf20221008_92223858, 8/10/2022; AFP, “Guerre en Ukraine : un important incendie dû à une voiture piégée paralyse le pont de Crimée, stratégique pour la Russie” in La Libre, https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2022/10/08/guerre-en-ukraine-un-incendie-en-cours-sur-le-pont-de-crimee-qui-relie-la-russie-6TXW5VANIRARHCXGU347LPGUTU/, 8/10/2022.

[17] Les pertes russes publiées par Hans Petter Midttun, voir https://www.linkedin.com/in/hpmidttun/?originalSubdomain=no, sont jugées exagérées par les services occidentaux et les organisations non-gouvernementales mais sans que leurs objections soient étayées. Les pertes ukrainiennes sont hautement clmassifiées/

[18] Reuben Johnson, “What an S-400 kill and a spec ops raid reveal about Ukraine’s ability to hit Russia” in Breaking Defense, https://breakingdefense.com/2023/09/what-an-s-400-kill-and-a-spec-ops-raid-reveal-about-ukraines-ability-to-hit-russia/?utm_medium=email&_hsmi=273878330&_hsenc=p2ANqtz–RAl1ksZ4dQtJnKpKJlKH2fkNThepEk3kcEAZ90uZUiTIpDrp_E5APZSYH0HrT8ao812m6n5AB5h9zKOvLzyA6YPgcYg&utm_content=273878330&utm_source=hs_email, 8/9/2023.

[19] sn, “UKRAINE: SAFEGUARDING MENTAL WELL-BEING AMIDST WAR” in Doctors without borders, , 4/10/2023.


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